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Favoriser l’innovation avec de nouveaux espaces de travail

Le 19 novembre 2012 par Gayané Adourian

Alors que la Conférence Européenne sur le coworking vient de s’achever, nous revenons avec Julie Fabbri sur les changements qui s’opèrent dans le monde du travail avec la montée en puissance des « tiers lieux ».

Peux-tu revenir en quelques mots sur ton parcours ?

Je suis actuellement secrétaire générale de l’I7 (Institut pour l’innovation et compétitivité), un think tank académique lancé en 2011 qui essaie de promouvoir une vision élargie de l’innovation. Il a été crée à la suite d’un rapport remis par Pascal Morand et Delphine Manceau à Christine Lagarde (alors Ministre de l’Économie). L’I7 n’a pas vocation à faire du lobbying mais il est proche des pouvoirs public. Son objectif, c’est d’être une source d’inspiration et d’apporter des exemples qui viennent de l’entreprise.

En parallèle, je fais un doctorat au Centre de Recherche en Gestion de l’École Polytechnique sur le rapport entre espace(s) de travail et capacité d’innovation. Cette question m’intéresse depuis que j’ai visité les locaux d’un certain nombre d’agences de design en Angleterre.

Tu as étudié La Ruche. Comment décris-tu cet espace ?

La Ruche est un espace dédié aux entrepreneurs positionnés sur l’innovation sociale et solidaire : les sociétés incubées doivent concilier intérêt économique et intérêt général. Chez eux, l’espace est considéré comme un véritable outil de management. D’ailleurs, le choix de l’éco-conception du lieu est en phase avec leur vision de l’innovation sociale. La mixité des structures présentes et l’espace doivent contribuer à augmenter la capacité d’innovation des entrepreneurs.

La Ruche n’est pas un espace de coworking comme les autres ; ça n’est pas non plus un « simple » incubateur. Il n’y a aucun lien avec le financement des structures mais il existe un processus de sélection pour entrer. Par exemple, dans les critères ne figurent pas de caractéristiques sur le modèle d’affaires ou le stade de maturité de l’entreprise. Il y a aussi une grande variété d’indépendants. Ce qui compte c’est de s’attacher à une problématique d’innovation sociale.

Ce qui me semble très original, c’est le mode d’accompagnement. Un incubateur est un espace partagé dont la fonction est de favoriser le développement des entreprises sélectionnées. Ici, un mode innovant de l’accompagnement entreprenarial est mis en place. On a pas d’objectifs prédéfinis quand on arrive. L’accompagnement se fait de façon collaborative avec différent niveaux d’implication des entrepreneurs. De ce point vue, on est pas loin du modèle de l’espace de coworking.

En termes d’agencement, La Ruche est une sorte d’open-space en U qui comporte des espaces un peu isolés et plusieurs types de salles de réunion. Le lieu possède aussi un espace de convivialité qui permet de partager des repas, des conversations ou encore d’organiser des événements ou des séances de créativité. La structure pousse les thématiques, fait venir son réseau mais tout le monde peut proposer les événements de son choix. Enfin, la boutique est un espace polyvalent ouvert à tous et tourné vers l’extérieur.

Pourquoi ces types d’espaces explosent en ce moment ?

Actuellement, on assiste à l’affirmation d’une population créative et indépendante – les knowledge workers -  dont les outils de travail se réduisent grosso modo au téléphone et à un ordinateur connecté à Internet. Ces indépendants ou entrepreneurs ont le choix de l’implantation de leur activité. Les espaces de coworking – qui explosent depuis environ 2008 – répondent parfaitement à leurs besoins.

Comment les espaces de coworking favorisent-il l’innovation ?

L’innovation est une économie de la quantité : c’est le foisonnement d’essais et d’erreurs qui la favorise. La créativité se développe aux frontières, quand on joue avec les limites. Il faut penser à réinterroger ce qu’on a autour de nous. L’aménagement des espaces de travail, l’évolution de la structuration des entreprises – de fermé à semi-ouvert puis ouvert -, le changement de fonctionnement en réseau et par projet… tout ceci conduit à un besoin de proximité organisée pour favoriser l’intelligence collective.

On est aujourd’hui passé à une notion qui va plus loin que le tiers-lieu basé sur la socialisation. Le « 4ème lieu » s’inscrit davantage dans une dynamique de communauté et d’animation. La proximité physique ne suffit pas – c’est ce que montrent les cafés – il faut créer des relations. Pour cela, il faut organiser des lieux et des cluster éphémères, notamment avec des événements.

Existe-t-il plusieurs modèles pour animer un espace de coworking ?

Dans la typologie des espaces de coworking, des lieux comme La Cantine ou La Ruche sont très différents. Par exemple, la communauté de La Cantine – focalisée sur le numérique – est beaucoup plus dispersée que celle de La Ruche qui possède une communauté plus unie, liée par une sorte de contrat moral, en tant qu’acteur de l’écosystème social et solidaire. À ce titre, si La Cantine est la première initiative francilienne dans les espaces de coworking, on peut considérer que l’espace de La Ruche est doublement nouveau. Il se rapproche de The Hub – une franchise d’espaces de coworking dans laquelle l’une des co-fondatrice à travaillé – qui offre un espace de espace de travail, une salle de réunion et favorise le travail en équipe.

En définitive, c’est la notion de travail qui est en train de changer ?

La montée en puissance de la collaboration et du sentiment communautaire font forcément évoluer les comportements de travail. La nouvelle génération – connectée « en permanence » – accélère cette évolution en faisant du partage de savoirs et d’expériences une norme. Dans ce nouveau paradigme, encore émergeant, l’espace de coworking agit pour se préserver du foisonnement.

Le « off-line » et le « on-line » s’influencent mutuellement. De nouveaux mots et de nouveaux métiers, nés dans un environnement numérique, sont utilisés pour décrire ces nouvelles dispositions. À titre d’exemple, des community managers de l’espace physique commencent à voir le jour…

>> IllustrationsGayané (Flickr, CC), La Ruche (Flickr, ©)

2 commentaires

  1. kaisKL le 20 novembre 2012 à 23:54

    really interesting

  2. Guy le 22 novembre 2012 à 20:19

    Intéressant ton article, mais est-ce que tu crois que la collaboration est présente dans toutes les sphères du travail? Le coworking demande de la part des gens une ouverture pour un partage de savoir savant, savoir-être ou savoir-faire, mais est-ce qu’il n’y a pas des domaines où se partage est plus difficile ex. en recherche? Est-ce que tu crois que toutes les formations font une place pour un apprentissage de ce savoir-être?
    Merci pour cette lecture

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