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L’AMCSTI, porte-voix d’une culture scientifique tourmentée

Le 30 juin 2011 par Audrey Bardon

Une association de popularisation des sciences de la Terre à Clermont-Ferrand, un centre de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) parisien, une jeune activiste de la médiation culturelle des sciences sur le web… Comment favoriser les échanges entre ces structures et acteurs très différents, tous attachés à renforcer le dialogue entre sciences et société ? C’est la mission que s’est fixée l’Association des Musées et Centres pour le développement de la Culture Scientifique, Technique et Industrielle (AMCSTI).

C’est sous l’impulsion d’Hubert Curien, alors président du CNES, que naît le 14 juin 1982 l’AMCSTI. Celui qui sera ministre de la recherche de 1984 et 1986 et grand soutien de toute initiative de popularisation des sciences en deviendra le premier président. « En septembre 1981, une première réunion de concertation se tient à Grenoble où, déjà, la diversité des acteurs représentés est remarquée. Ce sera un des arguments fondateurs de l’Association », raconte l’actuelle présidente Christine Welty.

Deux mois plus tard, le groupe de préfiguration de l’AMCSTI en tracera ses contours : mettre en place « un réseau national des centres de sciences permettant de promouvoir une complémentarité entre les différentes initiatives et d’établir des relations permanentes entre ces centres en vue d’actions collectives ». L’AMCSTI se construit depuis à travers le partage d’expertises, le travail collaboratif et un engagement fort pour la reconnaissance équitable par les décideurs politiques de chaque acteur.

Un patchwork de la culture scientifique, technique et industrielle

Si l’acronyme semble être destiné aux seuls musées et centres de culture scientifique, il n’en est rien. L’AMCSTI réunit près de 250 structures de tailles, de natures et de régions différentes : musées et muséums, universités et organismes de recherche, associations, centres de culture scientifique, collectivités territoriales, entreprises… et même des acteurs à titre individuel.

Selon Christine Welty, « l’AMCSTI est un lieu où chacun peut exprimer ses revendications, ses problématiques et plus généralement se faire entendre quel que soit son importance ». Une jolie mosaïque qui dépeint la richesse de la culture scientifique, technique et industrielle (« CSTI » pour les intimes) française. Cette diversité s’explique par le besoin de trouver « un réseau sur lequel s’appuyer et conforter son existence même, sa légitimité dans le champ culturel ». On la retrouve d’ailleurs au sein même de l’actuel conseil d’administration.

Échanges de bons procédés…

Différents services sont proposés aux adhérents de l’AMCSTI avec pour objectifs : la circulation des informations et la valorisation du travail des membres ; la coproduction de manifestations culturelles et de colloques ; la réflexion autour de la CSTI ; l’organisation d’actions de formation ; le lobbying et le conseil auprès des décideurs.

Un portail d’information

Le site internet de l’AMCSTI met à disposition un annuaire des adhérents, un agenda des activités de l’association, les comptes-rendus des différentes rencontres organisées, ainsi que l’actualité de la CSTI (offres d’emploi, manifestations…).

Une enquête sur la CSTI

Publiée chaque année depuis 2008, l’enquête « Se compter pour compter » permet de dégager des chiffres clés de la CSTI. Un questionnaire est soumis aux membres de l’Association afin de connaître leur champ d’action, leur fonctionnement, leur financement, leurs partenaires, etc. La dernière datant de 2009 est accessible ici.

Des clubs de travail

Afin de faciliter le travail sur des sujets transversaux et des problématiques spécifiques, l’association s’est dotée de cinq clubs de travail par type de structures, animés par les adhérents eux-mêmes. L’AMCSTI se charge ensuite de diffuser les propos recueillis.

Un congrès annuel

Organisé en région, le congrès annuel de l’AMCSTI est un moment privilégié où chacun peut venir débattre et témoigner lors de conférences et d’ateliers. À chaque année sa thématique et ses questionnements : la CSTI à l’échelle européenne (2010), les débats et controverses (2009), le rapport aux médias (2006), etc.

Des prix

Trois prix mettent à l’honneur chaque année des structures, des actions innovantes et des personnalités investies dans la CSTI. Les « prix Diderot de l’initiative culturelle » sont décernés à deux institutions francophones, une « confirmée » et l’autre « espoir ». Parmi les précédents lauréats, on retrouve l’Institut de recherche pour le développement, le Festival d’Oullins « A nous de voir – science et cinéma » ou l’association Gap Sciences Animation. Le « prix Diderot-Curien » distingue quant à lui une personnalité en fonction de son engagement et de son impact sur la CSTI à l’instar de Sophie Bancquart (Éditions du Pommier) ou de Marie-Odile Monchicourt (France-Info). À noter que les lauréats ne sont pas nécessairement membres de l’AMCSTI.

Un Bulletin

Édité depuis 1983, le Bulletin de l’AMCSTI propose des articles de fond sur les problématiques de la CSTI, des interviews d’acteurs et des rubriques dédiées à la vie de l’association. Deux numéros annuels sont ainsi rédigés par ses membres, portant sur une thématique ouverte comme les métiers de la CSTI, l’audace dans les expositions ou l’évolution.

Une mission « Europe »

L’association a mis en place un groupe de travail « Europe » afin d’accroitre la visibilité de ses membres à l’échelle européenne. Ce groupe participe notamment au suivi des appels à projets européens, à la collecte d’informations sur les grands réseaux et à la préparation de rencontres à l’échelle européenne comme Ecsite.

Faire face au désengagement de l’État

Depuis quelques années, la CSTI française est secouée par un ensemble d’éléments contextuels : crise économique, controverses, montée en puissance de certains acteurs comme les PRES, révolution numérique… et surtout la disparition du service en charge de la culture scientifique au Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Sans compter la création d’Universcience, regroupement du Palais de la découverte et de la Cité des Sciences et de l’Industrie, appelé à jouer le rôle de coordinateur national de la CSTI… Face à ses bouleversements et un désengagement progressif de l’État, l’AMCSTI affirme sa position militante en faveur de ses membres.

« Nous attendons de connaître les propositions formulées dans le rapport de l’IGAENR [l'Inspection générale de l'Administration de l'Éducation nationale et de la Recherche] qui a mené une mission sur l’état de la CSTI afin d’accompagner la nouvelle gouvernance d’Universcience. Nous ne connaissons pas encore la teneur de cet audit et surtout ce qu’en feront les Ministères » détaille la présidente. Pour elle, ces derniers « ont été jusque-là très absents des réflexions sur le processus de réorganisation de la CSTI ».

À la recherche de financements

Les crédits de l’État accordés aux structures seront désormais directement transférés à Universcience qui se chargera de les répartir en régions. Une mission difficile pour sa présidente, Claudie Haigneré qui, malgré des propos affirmant sa volonté d’agir en synergie avec les territoires régionaux, risque de faire des victimes aux vues des faibles moyens alloués.

Ce statut d’Universcience « à la fois juge et partie » soulève de nombreuses questions : la répartition sera-t-elle équitable ? La Cité des sciences et le Palais de la Découverte vont-ils être jugés au même titre que les autres structures ? La programmation sera-t-elle imposée au détriment de la spécificité territoriale ? Comment seront évaluées les structures ?

« Certains acteurs de la CSTI sont inquiets pour l’avenir » confie Christine Welty, à l’instar des muséums, encore très dépendants de l’État, ou des associations d’éducation populaire qui ne souhaitent pas voir disparaître des activités récurrentes telles que les Exposciences. Le secteur privé et les collectivités locales constituent alors des moyens de financement non négligeables.

Par ailleurs, un appel à projets permanent pour le développement de la CSTI a été lancé à hauteur de 50 millions d’euros. « Dans cette perspective, nous avons proposé à nos adhérents de s’exprimer, proposer et conclure des partenariats via un forum de discussion AMCSTI. » L’enjeu maintenant est de mutualiser les ressources, de créer des liens forts entre Paris et les régions, de structurer plus généralement les réseaux et surtout, d’innover.

Forum territorial : vers la co-construction

C’est dans ce contexte que le Forum territorial (1) a été organisé en septembre 2010. Les objectifs ? Dissiper les craintes liées à la mise en place d’Universcience et définir les conditions de la nouvelle gouvernance. En préparation du Forum, l’AMCSTI avait sollicité l’ensemble de ses membres à travers une série de réunions, de brainstorming et de questionnaires. Un appel qui n’est pas resté sans réponse : « la mobilisation était impressionnante, tant par le nombre que par la qualité des remarques et suggestions apportées. Cet élan a permis de recueillir les idées de chacun [...] qui ont constitué la voix du réseau et sa force. » L’ensemble des réflexions menées a donné lieu à l’édition d’un Livre blanc, contribution de l’AMCSTI au Forum territorial.

« Après ce rendez-vous important, l’AMCSTI a poursuivi la mise en œuvre de sa démarche participative et a continué de porter la parole de ses adhérents auprès d’Universcience au sein d’un collectif baptisé “groupe national de référence ». Des réunions sont organisées régulièrement en présence de Claudie Haigneré. « Nous souhaitons rester au plus près de cette instance qui va jouer un rôle clé dans l’avenir de la CSTI. » La présidente de l’association révèle que le groupe national de référence est en train de définir « très concrètement » la composition du futur « conseil national stratégique » et de mettre en place des « pôles territoriaux de référence ». « L’idée étant de permettre une représentation équilibrée de tous les acteurs de la CSTI, à toutes les échelles » précise-t-elle.

Pour Christine Welty, « cette nouvelle gouvernance doit être la porte ouverte à de nouvelles collaborations ». Dans cette perspective, un agenda national de la CSTI a été lancé à titre expérimental en mai dernier, en partenariat avec Universcience et un groupe test de 5 centres de sciences : « À la Une des régions, vos rendez-vous culturels et scientifiques ». Plateforme collaborative, cet outil de partage a pour objectif de constituer à terme un réseau de contributeurs régionaux. « Il ouvre la voie à d’autres possibilités de collaboration car il définit une méthodologie commune et une articulation opérationnelle entre Universcience, l’AMCSTI et les régions » explique la présidente.

Un congrès porté par le changement

Direction maintenant Strasbourg pour le 29e congrès annuel de l’AMCSTI qui aura lieu du 29 juin au 1er juillet. Intitulé « Les sciences dans la culture : un tournant ? », il est organisé en partenariat avec le Jardin des Sciences et Le Vaisseau. Les trophées Diderot seront remis à l’occasion le jeudi 30 juin au Vaisseau par le président du Jury, le physicien Étienne Klein.

Près de 200 personnes sont attendues afin de discuter des changements qui s’opèrent dans trois domaines : les politiques scientifiques, les publics et les pratiques de médiation. Trois jours de concertations. Trois axes. Trois temporalités : la CCSTI d’hier, d’aujourd’hui, et de demain. Rendez-vous le 1er juillet pour en connaître le dénouement.

Note

  1. Le Forum territorial a fait l’objet d’une série d’articles sur Knowtex : Un forum et beaucoup de questions ; Forum territorial : constats et axes de travail ; Forum territorial : questions, critiques et inquiétudes ; Forum territorial : premières réactions du côté des CCSTI.

Pour aller plus loin

- Article Il était une fois la CSTI…

- Blog de Laurent Chicoineau, directeur du CCSTI de Grenoble : Making science Public

>> Illustrations : ESA, AMCSTI, Universcience (Licence ©), Cberthel (Flickr, Licence CC)

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