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Pourquoi la science a besoin du web

Le 15 juin 2012 par florian douam

Florian Douam propose un retour d’expérience de la soirée organisée le 18 avril par le service Science et Société de l’Université de Lyon dans le cadre du off du www2012, en partenariat avec Le Grand Mix.

À l’extérieur du laboratoire…

Étant doctorant en virologie moléculaire, la plupart de mes journées sont consacrées à mes travaux de thèse avec en théorie peu d’occasions de laisser mon esprit divaguer à autre chose que la structure moléculaire de protéines virales. Pourtant, je m’intéresse aussi de près à la culture scientifique, aux différents types de relations entre « science et société ». Ayant un intérêt particulier pour les sciences de l’évolution et la manière dont elles sont appréhendées, j’ai pu réaliser avec un camarade un ouvrage de vulgarisation scientifique sur ce sujet il y a deux ans. Une contribution modeste que nous souhaitons bien prolonger dans le futur avec de nouveaux ouvrages.

Toutefois, certains journalistes que j’ai eu la chance et le bonheur de rencontrer au cours de mes précédentes expériences de vulgarisation m’ont mis en avant l’importance qu’avait Internet en donnant à une action de médiation un champ d’action plus large, plus global. Même si les actions de médiation sur le terrain sont essentielles car elles conduisent directement au contact avec le public, l’action sur Internet est complémentaire. Le contact est différent, l’audience élargie et profondément diversifiée.

Ayant des amis doctorants sur Paris intéressés et parfois impliqués dans ce genre de problématique, j’ai souvent été frustré de rater certains « Apéro sciences et web » organisé à Paris par le collectif Le Grand Mix. Ce genre d’évènement regroupe de nombreux curieux et passionnés. Pour un futur scientifique, ils sont pour moi très importants. Pourquoi ? Parce qu’ils vous rappellent que la science n’est pas faite que de chercheurs mais aussi de passionnés, de journalistes, de blogueurs. Bref, qu’elle n’est pas uniquement ce que vous en faites, mais aussi comment la société la ressent, ce qu’elle en retire, etc.

Ce genre d’évènement étant un peu plus rare sur Lyon que sur Paris, je me suis donc précipité sur les dernières places de la 2e rencontre organisée avec Le Grand Mix à Lyon sur le thème de la médiation culturelle des sciences sur le web. J’ai appris à cette occasion qu’il y a avait eu un évènement « numéro 1 » que je n’avais pas vu passer, à ma grande tristesse. Pour cette seconde rencontre, une quarantaine de personnes s’étaient réunies alors qu’avait lieu au même moment, à Lyon, l’International World Wide Web Conference. Cette soirée était donc une sorte de « off ». Sachant que ce n’était pas un évènement de type « apéro » et que je n’avais jamais participé à une telle soirée,  j’étais curieux de savoir comment celle-ci allait se dérouler.

Apprendre à s’ouvrir et à collaborer

La soirée était divisée en deux temps. La première partie a permis de faire une synthèse de la journée de l’an dernier, tout en présentant des pistes à étudier pour l’organisation de la troisième journée sur le même thème, l’an prochain. Cette synthèse a mis l’accent sur l’importance que pouvait prendre la médiation scientifique, que ce rôle pouvait être amplifié par l’utilisation d’outils sociaux sur internet, véritable plateforme global. S’en est ensuite suivit un débat informel et très naturel sur la plus-value des pratiques numériques dans la médiation culturelle, ce qui a amené à se demander si certaines pratiques comme le « tweet » avait vraiment la même plus-value que certaines autres pratiques.

La seconde partie était consacrée à ce que l’on appelle des « pêcha-kucha ». Le principe réside dans la présentation d’une idée ou d’un projet en 20 vignettes, avec un temps de parole de 20 secondes pour chacune. 6 projets avaient été choisis ce soir là pour nous être présentés. De la visualisation 3D pour prévenir les risques d’inondation à une plateforme d’open science, d’un musée virtuel à un blog scientifique grenoblois, la présentation de ces différents projets a été passionnante et les discussions qui ont suivi ont été riches en idées.

C’est à ce moment que la soirée a pris tout son sens : sortir de son laboratoire, se rassembler avec des scientifiques et des non scientifiques, découvrir des projets et discuter tous ensemble de la meilleure manière de rapprocher experts et amateurs. Tout en nous sensibilisant à un autre monde que celui de son laboratoire, c’est cet esprit collaboratif, pluridisciplinaire où tout le monde souhaite apporter sa pierre à l’édifice d’une meilleure médiation que j’ai énormément apprécié. Etre conscient d’un besoin d’ouverture, de collaboration et de multi-compétence dans tout projet que l’on souhaite entreprendre est essentiel à mon sens pour tout doctorant et futur scientifique. Tout autant qu’il doit être conscient que pour stimuler ces ouvertures et collaborations, le web est et sera fondamental.

Une nouvelle manière de faire de la science

Cette soirée aura également eu le mérite de m’amener à élargir cette réflexion au fonctionnement de la science elle-même, dans tout son ensemble. Avant que la soirée ne débute à proprement parlé, Nicolas Loubet décida de faire un petit « screening » de la salle. Passées les questions sur le nombre d’amis Facebook et le niveau « geek » des participants, Nicolas demanda combien d’étudiants étaient présents dans la salle… J’étais le seul ! Les rapports  « science et web » sont t-il si peu intéressant à questionner, le web est t-il devenu « has been » pour les futurs générations de scientifiques ? Quel intérêt à la science aujourd’hui à s’intéresser à ce genre de problématique ?

Alors que les enjeux de demain deviennent globaux, la science de demain aura plus que jamais besoin d’adopter une démarche collaborative où la mutualisation des compétences et des savoirs sera un aspect essentiel de la recherche, elle-même en lien étroit avec la société et ses composantes médiatiques, intellectuelles, culturelles. Internet représentera indéniablement une de ses composantes les plus importantes.

Ces notions manquent cruellement aujourd’hui dans le monde de l’enseignement supérieur où chaque discipline ne fonctionne essentiellement que par et pour elle-même. Pourtant, ces approches seront essentielles pour la formation des scientifiques de demain, qui devront adopter des démarches collaboratives pour répondre à des problématiques globales.

La volonté d’adopter une telle démarche permettra de stimuler l’échange entre les champs de connaissances afin de travailler plus efficacement et de trouver des réponses à certaines problématiques, tous ensemble, plus rapidement. Elle permettra à la science de se décloisonner d’elle-même et d’aller plus naturellement à la rencontre d’amateurs, afin de mieux le sensibiliser aux problématiques scientifiques, ou même de prendre part directement à certains projets.

Aujourd’hui, le web est un de ces outils fantastiques qui peut être d’une importance considérable dans cette volonté de changer la science. En permettant à celle-ci de globaliser sa démarche, ses échanges, sa communication et son ouverture, il sera demain un outil scientifique majeur. Vivement la science 2.0 !

Pour aller plus loin

-  Le compte-rendu (Storify) de la soirée

-  Les diaporamas des présentations

>> Illustrations : Knowtex (Flickr, CC)

>> Source : Billet initialement publié sur le carnet de recherches Passerelles.

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